• EPISODE 1 : Qui est concerné par les violences conjugales ?

    Aujourd’hui nous parlons de la violence qui peut exister dans les couples. Les études officielles nous disent qu'aujourd’hui en France une femme sur 10 est victime de violence conjugales, et qu'une femme sur 5 subira de la violence de la part de son conjoint au moins une fois dans sa vie. Pourtant les victimes sont encore trop invisibles.

     

    Moi il m’aura fallu 30 ans pour en entendre parler. Pourtant je suis éducateur spécialisé. Mon métier c'est d’accompagner des personnes « fragilisées, en difficultés » dans leur chemin de vie. Des problématiques différentes, j’en ai croisé tout au long de mon parcours, mais les violences conjugales je suis passé à côté sans les voir. Il m’aura fallu 30 ans pour qu'on m'explique que c’est et ce que ça implique pour celles qui les subissent. On ne m'a pas préparé pendant mes études, mes stages, mes premières expériences professionnelles. On m'a parlé de violences intrafamiliales, de couple parental dysfonctionnel, on propose des médiations on fait aller tant bien que mal. C’est lors de mon embauche dans une association spécialisée que j’ai pu me former et me rendre compte de l’ampleur de la problématique : les violences conjugales touchent tout le monde : une femme sur 10. Ca peut être une voisine, une passante, une tante, une cheffe d’entreprise, une amie. J’en avais croisé avant de savoir reconnaître les signes, sans les voir.

     

    Ces violences sont commises sans distinction de classe, de territoire ou de culture : chez les riches, les pauvres, à la campagne ou à la ville, c'est les mêmes chiffres. Mais dans 88% des cas c'est un homme qui fait subir de la violence à sa femme, sa partenaire, sa conjointe ou on ex.

     

    Oui en effet. L'agresseur met en place des stratégies pour que la victime se sente responsable, qu'elle perde confiance en elle, qu'elle soit isolée, qu'elle n'ose pas en parler.

    C'est à nous de prendre conscience que cela peut arriver à n’importe qui, n’importe quand. Nous devons faire attention les uns aux autres. Dès qu'un doute existe, écouter la victime, la croire, la soutenir. Ça peut tout changer.

     

    Il y a beaucoup de raisons de ne pas chercher à en savoir + : est-ce que ça me regarde ce qu'il se passe chez les gens quand la porte est fermée ? Et puis c'est difficile d’être sûr de soi si on ne l'a pas vu soi-même, si on n'a pas de preuve ? On fait peut-être erreur, et si on dit quelque chose comment ne pas se mettre en danger soi-même ?

     

    Ce qu'il faut retenir c'est que la violence ce n'est pas privé. ça concerne tout le monde. Et qu'il existe des moyens pour intervenir auprès des victimes sans se mettre soi-même en danger. Et puis si on fait erreur, qu'on a mal vu, mal interprété, ce n'est pas grave. Notre association, Solidarité Femmes Beaujolais, organise des moments d'échanges, et d'informations pour apprendre à reconnaître les signes de ces violences et savoir comment réagir concrètement. Dès qu'on a un doute, il faut informer sans jugement ou conseil, juste informer la victime et l’orienter vers une association de proximité ou bien vers le 3919, le numéro d'écoute national. Ces démarches sont toujours gratuites et peuvent être anonyme.

     

    Apprendre à orienter vers les associations spécialisées qui écoutent et qui accompagnent ces femmes et ces enfants victimes, c'est un premier pas vers l’éradication de ces violences. Après les professionnels du social et de la justice feront leur travail, ils utiliseront les nombreux dispositifs qui existent pour protéger les victimes, les aider à sortir des violences conjugales et de leurs conséquences tellement dramatiques.

  • EPISODE 2 : Simple conflit ou violences conjugales ?

    Aujourd’hui nous parlons de violences conjugales. Mais qu’est-ce que c’est la violence conjugale ? Il est important de bien comprendre de quoi nous parlons. Parfois, il y a des disputes dans les couples, parfois ces disputes peuvent prendre des formes extrêmement violente, avec des cris, des insultes, des propos dénigrants. Comment savoir si c’est de la violence conjugale ?

     

    Un couple, en général, c’est deux personnes qui partagent un espace commun, du quotidien, des projets. Chaque individu a sa part de liberté et fait sa part de compromis. Il y a un échange. Dans les cas des violences conjugales, un individu a pris complètement l’ascendant sur l’autre, de manière définitive, écrasante et autoritaire. La victime n’est plus en capacité de trouver des ressources en dehors du couple. Elle est sous emprise.

     

    L’emprise, c’est ce qui bloque, ce qui retient, cette notion est importante car c’est cela qui caractérise les violences conjugales. L'emprise est créée par un processus destructeur, dans lequel la violence s’installe progressivement, elle peut avoir des formes différentes mais elle se répète, la violence revient sans cesse, régulièrement et s’aggrave avec le temps.

     

    Dans les violences conjugales les agresseurs mettent en place une stratégie qu’on appelle cycle des violences. Ce processus est difficile à repérer : chaque cycle peut durer de plusieurs années à quelques jours, Mais les cycles se répètent de + en + vite. Et dans cette spirale, plus les cycles se répètent, plus l’intensité des violences augmente, plus le danger est grand.

     

    Dans les violences conjugales, la violence a pour but de dominer ou de soumettre l’Autre. Ce ne sont pas de simples disputes. Alors qu’est ce qu’on fait ? De la médiation ?

     

    Non. Pour faire une médiation, il faut être deux individus engagés dans un rapport d’égalité. Or, dans les cas de violences conjugales, l’un des deux n’est pas considéré en tant que personne par l’autre. Deux lois existent sur le sujet :

    - D’abord, coté pénal, la loi du 4 aout 2014 nous dit qu’en cas de violences au sein du couple ou ex-couple, la médiation pénale ne peut être envisagée que sur demande express de la victime.

    - Puis, coté civil, la loi du 18 novembre 2016 nous dit que le recours à un médiateur est interdit lors de la séparation ou du divorce d'un couple où il y a eu de la violence conjugale.

     

    Alors qu’est ce qu’on fait ? On sait que la violence, qu’elle que soit sa forme, n’est pas acceptable, que rien ne peut justifier ou excuser la violence, que les victimes sont retenues dans un cycle destructeur

     

    Il faut créer un climat de confiance et d’écoute, même bref. En tant que professionnel, les femmes que j’ai pu accompagnées m’ont toutes parlé d’un déclic, un petit quelque chose qui leur a fait dire « ça n’est pas normal ». Ce petit quelque chose ça peut être un petit mot, un flyer qui traine, une affiche à la boulangerie un post Facebook, une photo Instagram, ... Après ce déclic, elles brisent la loi du silence imposée par l’agresseur, elles en parlent avec un tiers, un proche ou un professionnel. Cette première écoute est déterminante pour sortir des violences et se mette en sécurité.

  • EPISODE 3 : La violence, ce n'est pas que les coups ?

    Aujourd’hui nous parlons des violences conjugales. Pour pouvoir les repérer, il faut tout d’abord savoir qu’il existe 4 formes de violences : les violences physiques, les violences psychologiques et verbales, les violences administratives et économiques, et les violences sexuelles.
     
    L’image qui nous vient en premier quand on parle de violences conjugales est celle de la « femme battue » avec des bleus sur le corps. Les violences physiques, quand elles laissent des traces, sont les + reconnues : bousculade, morsure, brûlure, strangulation, coups de pied, coups de poing. Une des conséquences de ces violences est la mort. Chaque année, 150 femmes meurt tuée par leurs conjoint ou ex-conjoint. Ce nombre n'inclut ni les suicides ni les maladies liées aux violences conjugales.
     
    Les violences psychologiques sont les plus courantes. Elles sont présentes dans 100 % des cas. C’est souvent la première forme de violence mis en place. Dénigrements, critiques déplacées et récurrentes, insultes, chantage, menaces, intimidation, cris, humiliation, contrôle. Ces violences là sont systématiques car ce sont elles qui permettent à l’agresseur de détruire psychiquement la personne en face d’elle. Se faire rabaisser constamment, même de manière détournée, insidieuse vient briser l’estime que l’on se porte, la confiance que l’on a en nous. La victime va petit à petit se replier, s’isoler. Cette violence là, elle a des conséquences sur la façon dont se voit les femmes même plusieurs année après être sortie des violences.
     
    Les violences économiques et administratives sont mises en place par l’agresseur pour asseoir son contrôle et réduire le plus possible l’autonomie de la victime. Ici nous parlons des contrôles des déplacements, du contrôle du courrier/des messages. L’agresseur peut également vouloir contrôler les dépenses de l’autre, même sur des choses essentielles, il peut exiger de l’argent, ou empêcher la victime d’accéder à ses compte pour récupérer ses revenus. Nous avons également été confrontés à des cas de destruction de papiers d’identité, de fiches de paie, de contrat de travail ou d’avis d’impôt. Pour les victimes, c’est une difficulté supplémentaire pour entamer un parcours de sortie des violences
     
    Enfin il y a les violences sexuelles. Contraindre l’autre à regarder des images pornographique, à prendre et donner des photos ou des vidéos intimes, c’est de la violence. Contraindre son partenaire à avoir un rapport sexuel, c’est du viol. Le devoir conjugal n’existe plus, aux yeux de la loi le viol conjugal c’est un crime aggravé, passible de 20 ans de prison. Pourtant les études officielles nous disent qu’une femme sur 4 a déjà été contrainte par son conjoint. En temps de guerre, le viol est considéré comme une arme, parce que ces violences là sont les plus destructrices pour celles et ceux qui les subissent.
     
    Ces catégories sont faites pour permettre aux professionnels de travailler sur les différentes formes de violences et leurs conséquences. Elles peuvent coexister mais il ne s’agit en aucun cas de cocher des cases afin de savoir si oui ou non on est une « vraie victime », si les violences sont suffisamment graves. Dès le premier acte de violence, on a le droit d’en parler. Aucun acte de violence n’est acceptable ou excusable. La violence n’est pas privée, elle est punie par la loi.

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